Un poème de Francis Blanche
Après Franquin et Gaston, un autre grand dépressif qui cachait son mal être derrière la dérision et l'humour permanents. Mort trop tôt à 52 ans, on se souvient de ses sketches et feuilletons radiophoniques – Signé Furax - , de son interprétation, au milieu d'un foule de nanars de subsistance (voire de survie) du notaire véreux, Maitre Folace, dans les Tontons Flingueurs (vous savez le film avec la réplique culte « les cons, ça ose tout ... » - voir mon billet du 11 janvier - ) ou de Papa Schultz dans « Babette s'en va t en guerre ».
On se souviendra aussi de son immortel sketch avec son ami Pierre Dac : « Le sar Rabindrana Duval » (clic sur le lien vers la vidéo en colonne de droite). Pensez vous que ça a vieilli ou que cela demereura comme un incunable de l'humour ?
Francis Blanche était aussi un doux poète et voici, extrait de son recueil « Mon oursin et moi » : Le Robot et le Cornard, sorte de conte sentimental à la manière – très actualisée – de La Fontaine …. NB : j'ai respecté la ponctuation, ou son absence, du texte original.
Figurez-vous que par un beau matin,
De l'an 2981,
Un monsieur au cœur tendre
Venait soudain d'apprendre
Que sa maitresse le trompait
Et le pauvre se lamentait
En contant son malheur à qui voulait l'entendre
« A quoi sert - disait il – que le temps soit vaincu
Il n'y a plus de chefs de gare
Mais il y a toujours des cocus »
Et tandis qu'il songeait que ce n'est pas un rôle
Drole
Il sentit soudain
Une lourde main
Qui se posait doucement sur son épaule
Il se retournat et – stupéfaction ! -
Vit à coté de lui un homme mécanique
Un robot – puisqu'il faut l'appeller par son nom -
Qui le regardait avec compassion
Et lui dit tout à coup d'une voix métallique :
« Pauvres humains à l'âme trop sensible
Si vous avez souffert et soufrirez encore
C'est que votre cœur est la cible
Ou s'acharnent les coups du sort …
Vous, Monsieur, qui pleurez à cause d'une femme,
Pour qui l'amour est tourment
Il suffirait simplement
Pour éviter ces drames
Que vous n'ayez plus d'âme …
Ah ! … si comme moi vous étiez
En acier,
L'oeil sec et le corps bien trempé,
Le cœur en formica et le cerveau en cuivre,
Là, vous pourriez vraiment gôuter la joie de vivre !
Si vous saviez comme c'est beau
D'ètre un robot ! …
Jamais ne pleure ni ne ris
Rien ne m'effraie, rien ne m'épate,
Je ne mange qu'un plat de riz
Et même ce riz là, c'est du riz ... automate !
Jamais d'amour ni de passion,
Donc, jamais de complications,
Jamais, trompé, jamais déçu,
Jamais cocu,
Croyez moi donc, faites vous mettre
Un cœur en vinyle stratifié
Avec un gros décibelmètre
Vous saurez ce que c'est que la tranquilité ... »
« Merci répondit le cornard,
C'est très gentil de votre part,
Je ne vous en garde aucune
Rancune,
Mais j'aime mieux mon infortune
La tranquilité, je m'en fiche
Une vie sans amour, c'est un bateau sans mât,
Or on ne peut ruiner que celui qu fût riche
Et l'on ne peut tromper que celui qu'on aima ... »
Le robot, honteux et confus
S'en fut
Et le cornard, oubliant chagrin et remords,
Jura que malgré tout, on l'y prendrait encore !!!