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Le crabe sans la mayo
9 août 2015

La guitare de Bo Diddley, héroïne d'un polar français.

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Ma recherche de documentation lors de la rédaction d’un article sur le blues et le rock m’a permis découvrir qu’une guitare était devenue l’héroïne d’un polar - lequel polar existe d’ailleurs en deux versions : le roman original et son adaptation en BD. L’occasion était trop belle pour moi qui écris ici sur les deux thèmes, le polar et la musique ! Je sautais donc à pieds joints dessus et plutôt que de vous faire une redite de critique, j’ai préféré vous livrer celle (pleine de talent) publiée le 03/06/2008, par Hubert Artus dans son blog « Cabinet de lecture » sur Rue 89 avec comme accroche :
Qui aime Goodis, Carver, Shepp ou le cinéma noir américain aime Marc Villard !

Comme Marc Villard, un des poètes de la génération du « néo-polar français ». Or, en 2003, Marc Villard avait écrit « La Guitare de Bo Diddley ». Villard est marqué par les quartiers zones des années 80 et 90 parisiennes (Barbès, Les Halles), par le foot, par le jazz, et par la poésie. Avec sa langue issue de la poésie, ses phrases très courtes qui interpellent illico une image ou un son, le style de Villard frappe direct au cœur. Villard, c’est LE spécialiste de la nouvelle dans le paysage du polar français contemporain. Qui aime Goodis, Carver, Archie Shepp ou encore le cinéma noir américain aime Marc Villard. « La Guitare de Bo Diddley » est un roman composé de courtes histoires qui s’enchaînent grâce à une guitare. Le livre parfait pour découvrir Villard, romancier et nouvelliste. Et un « tribute » idéal à Bo Diddley. Lequel, poursuivi pour ses dettes, avait dit un jour : « Un type avec un crayon est plus dangereux qu’un mec avec une mitrailleuse. » Un tel phrasé trouve ses échos dans la littérature de Villard.

Dans « La Guitare de Bo Diddley », on suit la trace la mythique guitare Blue Hawaï n°1, la Gretsch ayant appartenu à Bo Diddley himself. Le destin a envoyé en banlieue parisienne cet instrument qui va passer de main en main, au gré des deals et des meurtres, des putes et des paumés, des sans-papiers et des éducateurs de quartier, à travers sex-shops, tours de cités, terrains vagues, carcasses de voitures, rock ou crack. Provoquant un enchaînement de fatalités. Un peu à la manière de l’arme de « Winchester 73 », le film d’Anthony Mann (à qui le livre est dédié), l’instrument et le lecteur traversent tous les thèmes chers à Villard, et les histoires qui composent la réalité francilienne des années 2000.

Ni angélisme, ni misérabilisme dans un polar minimaliste et réaliste

Comme toujours chez Villard, on est en plein behaviorisme (code de base du néo-polar : découvrir les personnages non par ce qu’ils disent, mais par ce qu’ils font). Une maîtrise stylistique et politique qui lui permet de passer finement d’un personnage à l’autre, en abordant les réalités les plus âpres sans aucun angélisme ni misérabilisme, donnant ses lettres de poésie au polar minimaliste et réaliste. Comme toujours chez Villard, jazz, blues et rock forment l’inconscient culturel du roman (« Les Blancs jouent le blues. Ils ne le comprennent pas, mais ils le jouent quand même »). Et avant tout, le rythme. Chez Villard, par exemple, les personnages parlent peu mais efficace. D’autant qu’il n’est pas du genre à invoquer la bonne conscience, ou à hésiter sur le flingage. Ses dialogues sont rythmés comme des échanges de balles, sa langue est la même pour une scène d’amour ou une scène de meurtre. Et à la fin, le rythme monte toujours à la tête et la poésie aux yeux. « La Guitare de Bo Diddley » est un polar tour à tour burlesque, ironique et fataliste qui trouve le temps, en cent-cinquante pages, d’offrir des portraits qui sont tout simplement de merveilleux riffs. Un livre parfaitement métaphorique de celui qui l’a invoqué. Lisez Marc Villard, vous n’oublierez pas. Ecoutez Bo Diddley, vous n’oublierez jamais.

► La Guitare de Bo Diddleyde Marc Villard – éd. Rivages / Noir – 2003 – 155p.

Pour vous faire une idée de la BD qui en est tirée, je vous invite à lire la présentation qui en est faite par l’éditeur, présentation que j’approuve à 100% :

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Il était une fois une guitare rectangulaire de couleur bleu caraïbe—un modèle unique— sur laquelle était inscrit : « Bo Diddley, Blue Hawai n°1. » Arsène, grand black fauché, la subtilise dans une voiture anonyme, puis la donne à Désiré, qui l’échange contre des faux-papiers à Farid, qui se la fait voler par Bob, qui…Et nous voilà donc, de propriétaires très temporaires en mains plus ou moins bien intentionnées, conviés à suivre le très riche, très pittoresque et très mouvementé parcours de cet instrument d’exception, et à découvrir au passage quelques tranches de vie particulièrement frappantes, pour ne pas dire saignantes… C’est aussi, et surtout, l’occasion d’une balade truculente et parfois presque burlesque dans les coulisses et les arrières cours du Pigalle bigarré et multi-ethnique d’aujourd’hui, avec ses filles, ses maquereaux, ses dealers, ses flics ripoux et ses musiciens dans la débine. Mené à un train d’enfer (et avec une délectation manifeste) par un tandem Chauzy / Villard au meilleur de sa forme, l’épopée (et la guitare itou) rebondira ainsi de personnage en personnage, jusqu’à retrouver Arsène, son initiateur involontaire, et se conclure en l’auguste présence de Bo Diddley himself, qui se montrera…disons, fidèle à sa légende. CQFD !

Enfin l’illustration musicale indispensable à ces quelques lignes, guitare rectangulaire, costume à paillettes, chapeau improbable et look des eigthies compris :

Beaucoup d’admirateurs fervents des Rolling Stones n’ont jamais apprécié l’arrivée de Ron Wood (qualifiée même d’intrusion par certains) dans la bande. Ils pourraient cependant au moins le créditer d’avoir su organiser ce set. A titre de comparaison, vous pouvez maintenant vous délecter de la version de Mudy Waters sous le titre « Mannish Boy » et j’ai choisi pour ce faire son apparition dans le magnifique film de Martin Scorsese « Last Waltz », consacré au concert d’adieu du Band, groupe mythique qui avait accompagné Bob Dylan lors du fameux double album « Basement Tapes ». Putain, ça nous rajeunit pas, tout ça!!!

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